par Ferry de Kerckhove
CEPI
16 novembre 2016
Le 28 octobre, à 11 jours de l’élection présidentielle américaine, le directeur du FBI lançait sa bombe sur la reprise de l’enquête sur les courriels de Hillary Clinton dans le cadre d’une lettre au Congrès. Le 6 novembre, nous apprenions que M. Comey réitérait son jugement initial posé le 5 juillet recommandant qu’aucune accusation au criminel ne soit portée contre Madame Clinton. Pour parler ou non d’un « coup d’État », il faut dissocier le politique du juridique. Mais le mal, si mal il y a, est fait. Madame Clinton a perdu et on perdra en conjonctures quant à la responsabilité du directeur du FBI.
Tout d’abord, la seule excuse permettant de ne pas recommander d’inculpation tenait au fait que Madame Clinton n’avait pas eu « l’intention » de commettre des actes d’une telle imprudence. On se rend compte que Comey, en tant que haut fonctionnaire républicain dont l’intégrité avait fait qu’Obama l’avait conservé à son poste, s’il l’avait voulu pour des raisons politiques dans un pays où tout est cause de procès et d’accusations criminelles, il aurait facilement pu émettre une recommandation plus hostile et définitivement miner toute chance pour Madame Clinton d’être élue. Il aurait été difficile pour la Procureure générale Lynch de s’y opposer. Mais rien n’indique qu’une poursuite aurait nécessairement entraîné une inculpation à une « négligence majeure » ou non. En revanche, Comey s’est certainement rendu compte que son geste du 28 octobre allait être très dommageable à la campagne démocrate, même si, ultimement, le jugement restait le même.
Mais la façon dont Comey a annoncé publiquement la reprise de l’enquête va à l’encontre des pratiques du FBI et des procédures judiciaires au nom de la transparence à un moment « politique » crucial. Mais d’un autre côté, les jugements politiques fusaient de toutes parts dans cette affaire y compris celle du Président Obama. L’atmosphère est devenue étouffante après la stupide rencontre entre Lynch et Bill Clinton. En d’autres mots, Comey ne faisait la part belle ni au camp démocrate qui l’a vilipendé pour le « coup d’État judiciaire » ni aux républicains en juillet et encore moins à deux jours des élections. Le plus difficile à comprendre est les armes républicaines que Comey a fournies en témoignant devant le Congrès, permettant aux élus républicains d’émietter à leur faveur les différents aspects du témoignage. Dès lors qu’il n’y avait pas d’inculpation, pourquoi en remettre sur les fautes de Hillary Clinton, sans compter les nombreux documents publiés par la suite sur l’enquête elle-même ?
Il y a aussi le personnage méprisable de Anthony Weiner qui vient colorer vilainement l’entourage de Madame Clinton même si, la pauvre collaboratrice et quasi-fille adoptive de Hillary, Huma Abedin, épouse séparée de Weiner devenait essentiellement une double victime — des errements de son mari et de la cour de l’opinion publique. En outre, les courriels n’émanaient pas directement de Madame Clinton dans l’ordinateur saisi par les enquêteurs sur le comportement sexuel pervers de Weiner. À tout prendre, il y avait de fortes chances qu’aucun élément nouveau n’en sortirait. Mais Comey voulait en avoir le cœur net.
Ainsi, il est presque impossible de conclure que Comey aurait voulu aider Trump qui est certainement le genre de personnage que Comey doit abhorrer. Peut-on croire que Comey souhaitait réduire la vague soi-disant prévue des démocrates au Congrès ? Aurait-il pu attendre après l’élection et prendre le risque de bouleverser un début de présidence Clinton ? On peut plutôt présumer qu’en bon fonctionnaire, Comey voulait à tout prix qu’on ne l’accuse pas d’avoir déclaré l’enquête close dès lors que d’autres éléments suspects voyaient le jour. Et le risque, si ténu soit-il, demeure que d’autres éléments surviennent à nouveau dans cette affaire en 2017. Si cela se produisait, on peut imaginer la furie républicaine et les appels à la destitution, si Clinton avait gagné, de la présidente par des élus assoiffés de sang politique post-Nixon et Bill Clinton. La réputation du FBI est aussi un élément dans la décision de Comey et dans la rapidité de l’examen des courriels, rapidité dénoncée âprement par Trump.
Mais, en définitive, le geste posé par Comey, si proche d’une élection, mine tout de même l’institution qu’il préside parce que tous ses arguments ne changent en rien le fait que son impact politique a été tel — surtout maintenant que Clinton a perdu l’élection — qu’il y a de facto une politisation du juridique. C’est là qu’on peut parler de coup d’État.
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