par Frédérick Gagnon et Rafael Jacob
Le Devoir
le 25 avril 2016
La victoire convaincante de Donald Trump à la primaire républicaine de New York, mardi dernier, n’est pas une surprise, car les sondages indiquaient depuis des semaines que le milliardaire gagnerait gros dans son État natal. Trump a ainsi mis la main sur 90 des 95 délégués en jeu dans cet État, le gouverneur John Kasich remportant les cinq autres notamment grâce à une bonne performance à Manhattan.
Après un dernier mois difficile, marqué par des gains du sénateur Ted Cruz en Utah, au Wisconsin, au Colorado et au Wyoming, Trump peut donc faire taire ceux et celles qui prédisaient sa dégringolade (pour quelques jours du moins). Les rendez-vous du 26 avril au Connecticut, Delaware, Maryland, Rhode Island et en Pennsylvanie pourraient également tourner à l’avantage du milliardaire, les sondages donnant peu de chances à Cruz.
La grande question reste toutefois de savoir si Trump sera capable, d’ici la fin des primaires le 7 juin, d’amasser les 1237 délégués nécessaires à l’obtention de la nomination républicaine. Grâce à sa victoire de mardi, Trump a porté à 845 le total de délégués qu’il a remportés jusqu’à présent (contre 559 pour Cruz et 148 pour Kasich). Trump doit donc mettre la main sur près de 60 % des 674 délégués en jeu d’ici le 7 juin s’il souhaite atteindre le fameux nombre magique de 1237. Considérant que Trump a gagné moins de 50 % des délégués attribués jusqu’ici, il demeure possible qu’il soit à court de délégués pour remporter la nomination républicaine lors du premier scrutin prévu à la convention nationale du parti à Cleveland en juillet.
Prochaine étape : l’Indiana
Au cours des prochains jours, Ted Cruz se concentrera ainsi sur l’Indiana, dont la primaire est prévue le 3 mai. Cinquante-sept délégués seront alors en jeu et Cruz espère pouvoir limiter la récolte de Trump à une douzaine de délégués ou moins dans cet État. La clé pour Cruz consistera à employer une stratégie qui avait été efficace au Wisconsin au début du mois : coaliser le vote « non-Trump » en convainquant suffisamment d’électeurs qu’il est l’unique solution de rechange à « The Donald ». Ce n’est toujours qu’une pluralité (et non une majorité) d’électeurs républicains qui soutient Trump, et rien n’indique que les appuis de celui-ci vont croissant au pays. Cruz aura donc beau jeu de rappeler que Trump gagne avant tout parce qu’il y a division du vote républicain, et qu’un vote pour Kasich est, en réalité, un vote pour Trump.
Si la stratégie porte ses fruits et que Cruz gagne l’Indiana haut la main, il sera ardu pour Trump de remporter la majorité de 1237 avant la fin des primaires. Trump risquerait alors de perdre sur le plancher de la convention nationale. En effet, si le milliardaire n’obtient pas 1237 votes lors du premier scrutin à la convention, un deuxième scrutin aurait lieu, au cours duquel 60 % des délégués seraient libres de voter pour qui bon leur semble, peu importent les résultats des caucus et des primaires (cette proportion passerait à 80 % lors d’un troisième scrutin).
Environnement hostile à Cleveland
Un tel scénario serait lourd de conséquences pour Trump, qui se verrait alors forcé de mener une nouvelle course aux délégués dans un environnement pour le moins hostile. D’une part, Trump serait directement confronté à Cruz, dont l’équipe, mieux organisée que la sienne, a actuellement une longueur d’avance dans les efforts visant à influencer la sélection de délégués lui étant plutôt favorables advenant la tenue d’un deuxième ou d’un troisième scrutin à Cleveland. D’autre part, la plupart des délégués présents à la convention seront des militants et loyaux républicains avant tout soucieux de l’avenir du Grand Old Party et des principes conservateurs qu’il défend depuis des générations. Pour nombre d’entre eux, Trump est une véritable aberration, voire une menace, en raison, entre autres, de ses positions inorthodoxes sur des enjeux comme le mariage gai, l’avortement ou le commerce international, ou encore à cause de son style personnel extrêmement provocateur et de son penchant pour la controverse.
La victoire de Trump dans l’« Empire State » n’a donc pas scellé l’issue de cette course, loin de là. Le discours de victoire de Trump de mardi, moins polarisant et plus respectueux de Ted Cruz qu’à l’habitude, illustre d’ailleurs le fait que ses nouveaux conseillers l’ont peut-être convaincu de la nécessité de paraître plus acceptable aux yeux des bonzes du parti et des divers segments de l’électorat républicain. Reste maintenant à voir si les partisans de Trump continueront à se mobiliser autant si « The Donald » rompt avec le discours « politically incorrect » qui a fait sa force au cours des derniers mois.
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