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In The Media

Des blindés utilisés contre des dissidents n’alarment pas Dion

par Guillaume Bourgault-Côté (avec Ferry de Kerckhove)

Le Devoir
le 12 mai 2016

Le gouvernement Trudeau a encore dû défendre mercredi le contrat de vente de véhicules blindés conclu avec l’Arabie saoudite après la diffusion de vidéos montrant que le régime utilise vraisemblablement ce type d’équipement pour réprimer des dissidents. Mais Ottawa ne s’en formalise pas puisque les véhicules en cause ne sont pas canadiens.

Les images obtenues et analysées par le Globe and Mail datent de 2012 et de 2015. Elles montrent que des véhicules semblables à ceux que le Canada vendra à l’Arabie saoudite ont été utilisés dans des affrontements avec la minorité chiite dans l’est du pays.

« Notre équipe d’experts regarde toujours ce genre d’information et les scrute à la loupe, a réagi en matinée le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion. Si jamais ça devait être un équipement canadien [qui est utilisé contre les civils], on réagirait. Mais comme l’article le dit lui-même, pour le moment ce ne sont pas des équipements canadiens. »

« Sottise »

Rien pour rassurer l’opposition néodémocrate. Selon Thomas Mulcair, « Stéphane Dion est beaucoup trop intelligent pour croire ce genre de sottise, que ça dépend de l’endroit où ça a été fabriqué ». Le chef du NPD estime que « les vidéos ne laissent [planer] aucun doute : l’Arabie saoudite utilise ce genre d’équipement pour écraser des civils ». Il a rappelé que M. Dion a « dit qu’il bloquerait les permis d’exportation si jamais l’équipement devait être utilisé à mauvais escient contre les droits de la personne ».

Le premier ministre Trudeau a répliqué en réitérant qu’il ne renierait pas la signature du précédent gouvernement dans ce dossier.

Les vidéos ont été transmises au Globe and Mail par l’organisme European-Saudi Organization for Human Rights. Elles s’ajoutent aux images d’un documentaire diffusé en avril par PBS et qui montrait que des véhicules blindés de fabrication française ont été utilisés par le régime dans des circonstances semblables en 2011.

Vif débat

Les révélations de mercredi ont relancé le débat sur la décision du gouvernement Trudeau d’honorer le controversé contrat de 15 milliards.

En vertu d’une loi canadienne de 1947, un fabricant de matériel militaire doit obtenir l’aval du gouvernement fédéral avant d’exporter ses produits vers les pays où les droits de la personne font l’objet de violations graves et répétées de la part du gouvernement, à moins « qu’il puisse être démontré qu’il n’existe aucun risque raisonnable que les marchandises puissent être utilisées contre la population civile ».

Le gouvernement a évalué que l’Arabie remplissait cette condition. Mais plusieurs organismes jugent précisément le contraire, vu le bilan du pays en matière de respect des droits de la personne. Ottawa fait d’ailleurs l’objet d’une poursuite en Cour fédérale visant à invalider le contrat.

Pour la porte-parole de la branche francophone d’Amnistie internationale au Canada, Anne Sainte-Marie, le gouvernement fait preuve d’une « hypocrisie totale » dans ce dossier. « On n’a pas besoin de preuves qu’il y a du sang sur nos véhicules pour conclure qu’il y a un risque raisonnable qu’ils soient utilisés pour commettre des violations », dit-elle.

Question secondaire

Mais selon l’ancien ambassadeur Ferry De Kerckhove, professeur à l’Université d’Ottawa, le bilan saoudien en matière des droits de l’Homme n’est qu’un des éléments à mettre dans la balance pour juger de la pertinence de ce contrat. « C’est un mythe de croire qu’on peut assortir la vente de matériel à des conditions d’usage. On le vend, ou on ne le vend pas. Sur ce point, les justifications de Stéphane Dion ne tiennent pas la route. »

Mais M. De Kerckhove pense que dans ce dossier précis, les intérêts géostratégiques et économiques du Canada pèsent plus lourd que la seule question des droits de la personne, sur « laquelle nous n’avons de toute façon pas vraiment le contrôle ». Il évoque entre autres l’importance du rôle que joue l’Arabie saoudite pour la stabilité de la région et la lutte contre le terrorisme, de même que sa relation « de connivence » avec Israël.

C’est la compagnie ontarienne General Dynamics Land Systems qui doit fabriquer les blindés, dont la plupart seront équipés d’un système de tourelle-canon.


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